Force est de constater que le nombre d’infirmières libérales ayant suivi la formation de la pratique avancée sont bien moins nombreuses que ce que le gouvernement espérait. Pourquoi ? Est-il possible de sortir d’un tel constat d’échec ?
La pratique avancée, une réalité pour la profession infirmière mais pour quels résultats ?
La pratique avancée existe pour la profession infirmière depuis le début des années 1970 dans certains pays anglo-saxons. Les demandes de la profession infirmière pour faire évoluer notre système de santé sont anciennes. Cependant, il aura fallu attendre le milieu des années 2010 pour donner une réalité à ces infirmières de pratique avancée (IPA) tant à l’hôpital qu’en ville. En effet, c’est la loi de modernisation du système de santé (2016) qui a créé cette spécialisation de la profession, alors que les autorités publiques soulignent déjà que cette pratique avancée doit être élargie à d’autres professions de santé, comme les kinés notamment.
Avec un statut leur conférant une place entre l’infirmière et le médecin, les infirmières en pratique avancée devaient, dans l’esprit des instigateurs de cette loi, représenter une avancée pour la profession infirmière en offrant à cette dernière une reconnaissance officielle, tout en contribuant significativement à « libérer du temps médical ». Le ministère de la santé a toujours fait savoir, depuis l’adoption de la pratique avancée, les espoirs forts qu’il plaçait dans l’essor et le déploiement de ces IPA ET IPAL. 7 ans après l’adoption de ce statut, il est déjà temps de faire un premier bilan et de constater les divergences entre les ambitions et la réalité du terrain.
Pourquoi les infirmières libérales en pratique avancée ne sont pas plus nombreuses ?
Le gouvernement avait affiché publiquement ses ambitions : 5.000 infirmières en pratique avancée à l’horizon 2024. Avec 1700 professionnelles en mars 2023, la réalité est toute autre, et les objectifs fixés seront loin d’être atteints. Est-ce à dire que la pratique avancée pour les infirmiers ne répond pas aux exigences et aux attentes exprimées ? Ou existe-t-il des blocages ou des freins pour faciliter la formation des professionnels de santé ? Déjà en novembre 2021, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) pointait les obstacles persistants au déploiement des IPA et IPAL (trajectoires pour de nouveaux partages de compétences entre professionnels de santé). Aujourd’hui, deux grands obstacles semblent empêcher la montée en puissance du dispositif.
Les infirmières libérales empêchées de se former à la pratique avancée ?
Pour pouvoir obtenir le titre officiel et permettre d’exercer en tant qu’infirmière en pratique avancée libérale, toute professionnelle de santé doit pouvoir justifier de 3 ans d’exercice professionnel. Une infirmière libérale, s’engageant dans cette voie, va donc devoir suivre une formation exigeante (un minimum de 700 heures d’enseignement et de 840 heures de stage pratique) en « mettant en parenthèse » son quotidien d’infirmière libérale. Seulement, elle ne pourra prétendre qu’à une aide maximum de 10.000 € par an, une aide largement insuffisante au regard des sacrifices endurés. Ces aides ne compensent pas la perte de revenu de l’infirmière libérale, une situation expliquant en partie le manque de vocations.
La pratique avancée, une évolution majeure toujours pas reconnue de tous ?
On connaît les réticences d’une partie du corps médical à reconnaître le rôle et la place de ces infirmières en pratique avancée. A l’hôpital comme en ville, cette nouvelle spécialisation ouverte à la profession infirmière est loin, bien loin d’être reconnue à sa juste valeur. Pire encore, ce manque de reconnaissance se traduit aussi par des conditions de rémunération, jugées largement insuffisantes. Un constat, que dresse amèrement la présidente du conseil national professionnel des infirmiers en pratique avancée, Mme Julie Devictor : « Les premiers IPA qui se sont lancés exclusivement en ville n’avaient qu’un revenu moyen de 800 euros par mois. ». Et la situation tarde à s’améliorer. Si en 2023, le revenu médian d’une infirmière libérale est estimé à 3.500 € par mois, celui d’une IPA en libéral ne dépasse pas 1.400 €.
Dans ces conditions, on comprend mieux que les observateurs s’alarment d’une diminution du nombre d’infirmières et d’infirmiers s’inscrivant dans cette formation. Faut-il y voir la fin prématurée d’un statut qui n’aura pas réussi à s’imposer dans l’organisation de notre système de santé ? Ou au contraire le signe précurseur d’un vaste plan destiné à favoriser le déploiement des IPA et des IPAL sur tout le territoire ? Toujours est-il, que les autorités publiques vont devoir prendre une décision dans les meilleurs délais.
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