Le gouvernement ne cache pas sa volonté de renforcer sa gestion rigoureuse de l’Assurance Maladie. Cela passe notamment par un renforcement des contrôles des infirmiers libéraux et plus généralement de tous les professionnels de santé. Les procédures en réclamation d’indus devraient connaître la même tendance haussière dans les semaines et les mois à venir. En revanche, les infirmières libérales doivent également accompagner le déploiement du Bilan de Soins Infirmiers (BSI) aux patients de plus de 85 ans (depuis le 5 septembre) et prochainement à tous les patients (avril 2023). Mais les règles de facturation dérogent aux règles traditionnelles, pouvant conduire à des erreurs. Il est temps pour tous les IDEL(s) de se former pour éviter que cette généralisation du BSI soit synonyme d’une augmentation des procédures en réclamation d’indus.
Les contrôles des infirmiers libéraux par la CPAM appelés à se renforcer ?
Ce 26 septembre 2022, le Conseil des Ministres a étudié le nouveau budget de la sécurité sociale pour l’année 2023. Et ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (PFLSS) intervient alors que le déficit de l’Assurance Maladie est qualifié d’» abyssal » désormais (26 milliards d’euros). Après deux ans de crise sanitaire, le gouvernement entend bien insuffler un nouveau départ, en répondant aux deux engagements si souvent répétés :
- « Répondre à l’urgence » du moment notamment en ce qui concerne le grand âge et la perte d’autonomie (Pouvoir « vieillir à domicile » fait partie des orientations prioritaires de ce PLFSS 2023)
- « Investir dans des chantiers plus structurels » pour préparer la profonde transformation du système de santé, que les autorités lanceront à partir du 3 octobre prochain en initiant la vaste conférence de tous les acteurs de la santé
Mais ce PLFSS 2023 entend bien optimiser la gestion des deniers publics, et les professionnels de santé en général, et les infirmiers libéraux en particulier, sont particulièrement ciblés. Le 30 septembre sera ainsi lancée une vaste campagne de communication « anti-fraude ». L’Assurance Maladie estime en effet, que 5 % des professionnels et des centres de santé sont à l’origine d’»abus » et/ou de « fraudes ». Et après deux ans de crise sanitaire (et donc de dépenses conséquentes), les autorités publiques ambitionnent de réduire les déficits par tous les moyens. Les contrôles des professions libérales de santé sont donc naturellement appelés à s’intensifier. Le gouvernement défend cette ambition en l’affichant clairement sur le site officiel :
Mieux sanctionner la fraude des professionnels de santé.
Alors que de nombreux infirmiers libéraux et d’autres soignants considèrent qu’une telle affirmation constitue une injuste stigmatisation, d’autant plus que ces mêmes professionnels de santé ne se sentent pas « récompensés » ni même « reconnus » après ces deux années de crise sanitaire. Tout en reconnaissant l’honnêteté et le dévouement de la très grande majorité de ces soignants, certains reconnaissent par ailleurs la nécessité de « contrôler et sanctionner » les soignants indélicats. Ainsi, M Thierry Bour, président du syndicat national des ophtalmologues, expliquait aux journalistes du Journal du Dimanche :
« Le système de santé était fondé sur la confiance et sur la régulation de la pertinence des soins par les praticiens. L’époque a changé et l’Assurance Maladie ne peut plus considérer par défaut que les professionnels sont honnêtes. »
Dans ce contexte, la lutte contre les abus et les fraudes en tout genre va se renforcer de manière conséquente, et les infirmiers libéraux notamment ressentent déjà les prémices de cette accentuation. Cela va nécessairement s’intensifier dans les semaines et les mois à venir. Comme tous les autres professionnels de santé, les infirmiers libéraux redoutent cette véritable « réouverture » de la chasse aux indus (après une période particulière, Covid-19 oblige).
Le déploiement du BSI, une évolution à l’origine de nouvelles menaces pour les IDEL(s)
Le bilan de soins Infirmiers (BSI), remplaçant l’ancienne Démarche de soins Infirmiers (DSI), était réservé jusqu’au début du mois de septembre aux patients âgés de plus de 90 ans. Depuis, il concerne les patients âgés de plus de 85 ans. Pour rappel, le BSI devrait être généralisé à tous les patients dépendants à compter d’avril 2023. Sans revenir sur toutes les questions soulevées par le bilan de soins infirmiers, force est de constater que son déploiement fait peser une nouvelle menace sur les infirmières et infirmiers libéraux. Le BSI a constitué une évolution majeure pour les infirmières et infirmiers libéraux puisqu’il a introduit la notion de forfait. Cependant une méconnaissance des règles le concernant peut conduire à des erreurs de facturation de la part de l’infirmière libérale, des erreurs qui peuvent être à l’origine d’une prochaine procédure en réclamation d’indus.
En effet, le forfait BSI est censé englober les soins infirmiers prodigués au patient concerné. Il existe bien sûr des exceptions pour ce qui concerne les actes techniques (facturés en AMX). Les 3 forfaits journaliers possibles avec le BSI (patients légers, intermédiaires et lourds) remplacent donc la facturation à l’acte pour les infirmiers libéraux. L’Assurance Maladie a publié des manuels destinés à accompagner les infirmiers libéraux dans leur appropriation du BSI.
Lorsque ce BSI était réservé aux patients âgés de plus de 90 ans, son déploiement concernait un nombre restreint d’infirmiers libéraux, une restriction qui s’est considérablement élargie depuis le 5 septembre et qui le sera pleinement dans quelques semaines. Cet élargissement conduit (et conduira) inéluctablement à la multiplication des erreurs de facturation. La multiplication et la complexité des règles applicables mais aussi le manque de formation et les erreurs liées à la méconnaissance rendent cette augmentation difficilement évitable.
Faut-il rappeler que le déploiement du BSI avait été déjà retardé pour des raisons financières ? Aussi dans la situation particulière que nous connaissons aujourd’hui, il semble naturel de voir les contrôles de l’Assurance Maladie sur l’application des règles du BSI se multiplier auprès des infirmières et des infirmiers libéraux.
Une attention particulière pour éviter les procédures en réclamation d’indus
Interrogée par les journalistes d’ActuSoins, Mme Nathalie Laugery, infirmière libérale depuis 34 ans :
« Ce que l’Assurance maladie ne comprend pas, c’est que le dispositif (le BSI) prend du temps à mettre en place, et du temps, nous n’en avons pas. Encore une fois l’administration nous écrase. Quelle inconscience et quelle irresponsabilité de nous pousser à abandonner des prises en charge en nous sanctionnant, au lieu de nous laisser du temps pour intégrer la mise en œuvre du BSI. »
Avec l’extension du BSI à toute la population d’ici quelques mois, les problématiques de ce genre sont appelées à devenir plus fréquentes encore. C’est donc bien une mise en garde qui est lancée à toute la profession, notamment pour la facturation de ces forfaits journaliers, qui se substituent alors aux règles « traditionnelles » de la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (NGAP). Les infirmières et infirmiers libéraux doivent se former et d’informer avant de commettre des erreurs, qui pourraient par la suite être considérés comme des indus.
Et vous, les règles d’application du Bilan de soins infirmiers, les connaissez-vous parfaitement ? Craignez-vous ce déploiement généralisé d’ici quelques mois ? Estimez-vous avoir été suffisamment formés ?
22 octobre 2022
Bonjour à tous….Et après cela on s’étonne de la désaffection de plus en plus croissante pour la profession infirmière. L’Etat est surendetté et il est « facile » de trouver un nouveau moyen de remplir les caisses. Tout cela sous couvert d’une « profession de foi » visant à améliorer la prise en charge du grand âge et de la dépendance. Nous sommes de plus en plus confrontés à une bureaucratie ignorante et méprisante de nos conditions de travail. De plus, nous sommes déjà très atypiques dans la manière dégressive dont sont « évalués » nos soins . Demandez à votre plombier s’il vous fera payer le remplacement de la chaudière à 100%, le changement d’un radiateur à 50% et le détartrage du circuit…gratuitement… j’en doute fortement. Il ne faudra pas s’étonner de voir de façon concomitante à toutes ces belles perspectives un abandon de plus en plus prégnant de la profession qui est une des rares à se voir, périodiquement, affublée de nouvelles « Épées de Damoclès » au dessus de la tête. Bon courage à tous, je suis sur une fin de carrière et navré de voir comment elle a évolué si tristement.