Si de nombreux débats sont organisés pour imaginer la place et le rôle de l’infirmière libérale et/ou hospitalière de demain, cet avenir est également conditionné en partie aux profils des actuelles étudiantes en IFSI.
Plus de postulantes pour devenir infirmière libérale ou hospitalière ? Un constat à nuancer
On souligne fréquemment, s’agissant des infirmières mais aussi de bien d’autres professions de santé, les impacts de la récente réforme des études de santé. En effet, si la suppression de la PACES (Première année commune aux études de santé) et du concours pour intégrer les Instituts de Formation en soins infirmiers (IFSI) répondaient à des demandes récurrentes des étudiants et des professionnels, cela a également entrainé un changement du profil des étudiantes et étudiants en soins infirmiers (ESI). Ces derniers formulent désormais leurs vœux sur Parcoursup, et devenir infirmière ou infirmier peut alors représenter une « voie de sécurité », apparaissant en 2nd ou même en 3ème choix d’orientation.
En d’autres termes, même si le diplôme d’Etat d’Infirmier reste l’orientation la plus plébiscitée par les lycéennes et les lycéens, cela ne répond plus (comme à l’époque du concours) toujours à un choix inspiré par la seule vocation.
Interrogée par les journalistes d’Actusoins, la présidente du Comité d’entente des formations infirmières et cadres (Cefiec), Mme Michèle Appelshaeuser, expliquait ainsi cette situation :
« Quand on passait le concours, on avait peut-être une maturation plus importante de son projet, Il fallait se préparer, notamment à l’entretien motivationnel, et être au clair sur ses motivations »
De nouvelles aspirations pour les étudiants en soins infirmiers ?
Depuis 2018 et cette suppression du concours pour intégrer les études infirmières, le profil des ESI a changé. C’est le constat que dressent les responsables des ressources humaines de nombreux établissements de santé. Il ne s’agit pas uniquement d’un glissement de l’orientation de vocation vers une orientation de sécurisation de son avenir professionnel mais aussi d’un changement générationnel. Les aspirations des ESI diffèrent des ambitions de leurs ainées. Pour le Cefiec, la première des conséquences est à rechercher dans la motivation des étudiantes et étudiants à aller au bout de leur parcours. Le Cefiec a ainsi réalisé une vaste étude sur une partie des IFSI de France, et a recensé pour ces IFSI retenus, 2771 étudiants ayant arrête leur formation de 1ère année dans les premiers mois. 12.9 % des effectifs ont ainsi déjà jeté l’éponge, ce qui soulève bien d’autres questions.
On connait les ambitions du ministère de la Santé de vouloir accroitre le nombre d’infirmières et d’infirmiers diplômés et on devine aisément les répercussions que peuvent engendrer un tel taux d’abandon sur les stratégies déployées pour repenser la place de l’infirmière libérale et hospitalière dans l’organisation de la Santé publique en France.
Les infirmières de demain, l’arrivée de la « Génération Z » dans le système de santé
Au-delà de cette évolution du profil des étudiantes en IFSI, certains observateurs veulent plus insister sur le glissement générationnel. La génération Z, regroupant tous les étudiants nés dans la première décennie du 3ème millénaire, a été éduquée pour « penser plus à soi et à son bien-être ». La qualité de vie au travail fait partie de leurs aspirations, et les conditions de travail des infirmières libérales ou hospitalières ne les font pas « rêver ». La présidente de la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (Fnesi), Mathilde Padilla, va encore plus loin en soulignant que ces futurs professionnels
« ont du mal à se dire qu’ils vont rester longtemps sur un même lieu de travail, poursuit-elle, et préfèrent parfois les contrats courts voire l’intérim pour avoir le sentiment de ne pas être « enfermés », se sentir libres »
Cela explique en partie, que les établissements de santé reconnaissent avoir du mal à attirer les jeunes diplômés des IFSI, même si des efforts ont été faits pour améliorer la situation des infirmières à l’hôpital depuis le Ségur de la Santé. La présidente de la Fnesi renchérit en soulignant que les promotions d’infirmières et d’infirmiers arrivant sur le marché du travail ont été, pendant leur formation en pleine crise sanitaire, « utilisés comme des petites mains, baladés sans leur demander leur avis. » L’hôpital public ne constitue plus alors l’attractivité, qu’il était censé incarner, mais peut apparaître comme un « passage obligé » avant de devenir …infirmière libérale.
Et vous, sentez-vous aussi ce changement d’ambition et d’envies de la part des étudiantes en soins infirmiers ? Estimez-vous que ces évolutions soient de nature à faire évoluer la profession ? Dans quel sens ?