
Bien souvent, les négociations entre les infirmières et infirmiers libéraux et l’Assurance Maladie sont longues et complexes. Plusieurs mois, voire plus sieurs années, sont souvent nécessaires pour parvenir à contenter les deux parties. Cependant, en 2023, le ministre de la Santé annonçait des négociations flash pour apporter une réponse urgente à une situation problématique, liée notamment au contexte inflationniste. En quelques semaines seulement, un accord était signé. Mais la rapidité de ces débats a-t-elle conduit à un résultat conforme aux attentes de chacun ?
Une reconnaissance des conditions de travail difficile pour les infirmiers libéraux ?
Depuis la crise sanitaire du coronavirus, les professions paramédicales se font entendre plus fortement en exigeant la revalorisation de leur rémunération. Ces revendications ont encore pris de l’ampleur depuis le début de la guerre en Ukraine. Cette dernière a replongé tous les pays européens dans une inflation galopante. Ainsi, tous les prévisionnistes s’accordent qu’en 2023, le taux d’inflation devrait encore s’établir autour de 5 voire 6 %.
On se souvient, que dans les premières semaines du conflit ukrainien, les prix du carburant avaient cristallisé les revendications des infirmières et infirmiers libéraux et plus généralement de tous les professionnels de santé se déplaçant au domicile de leurs patients. En effet, cette augmentation du prix du carburant constituait bien une charge supplémentaire, qu’il n’était pas possible de répercuter, conformément aux règles de facturation des professionnels de santé.
Certains syndicats représentatifs de la profession infirmière soulignaient ainsi que cette situation mettait en danger la pérennité même de certains cabinets infirmiers. Ils alertaient sur le risque éventuel pouvant conduire les infirmiers libéraux à devoir refuser d’aller au domicile des patients les plus éloignés. Des aides ponctuelles avaient été apportées par le gouvernement. Depuis, qu’il s’agisse des infirmiers libéraux ou des masseurs kinésithérapeutes, les professionnels de santé continuent à revendiquer une revalorisation rapide de leur rémunération.
C’est dans ce contexte, et alors qu’il s’est déjà engagé à réformer en profondeur le métier d’infirmière notamment en ce qui concerne la formation, que le ministre de la Santé et de la prévention semble avoir entendu ces demandes. Est-ce à dire que toutes les revendications des infirmières libérales ont été entendues ?
Une négociation flash 2023 pour ne pas évoquer les sujets de fond ?
Quelques jours avant l’été 2023, François Braun rédigeait alors une lettre de cadrage à M Thomas Fatôme président de la Caisse Nationale d’assurance Maladie en explicitant son ambition : « Je souhaite que les infirmiers libéraux, les masseurs-kinésithérapeutes, les orthophonistes, les orthoptistes et les pédicures-podologues puissent bénéficier d’un rapide soutien à leur activité de soins ».
Le ministre détaillait dans son courrier, que la réponse devait être urgente et qu’elle ne devait répondre qu’au contexte inflationniste de ce moment si difficile. Les organisations représentatives des IDEL(s) ont été reçues par l’assurance maladie pour une « négociation éclair ». Compte tenu des règles édictées par Bercy (ministère des finances), toute décision engageant les comptes de l’Assurance Maladie ne peut être applicable qu’à l’expiration d’un délai de 6 mois. Signé cet été, un tel accord de revalorisation ne pourrait donc être applicable qu’à partir de janvier 2024. Il est également possible pour le gouvernement de déroger à ces règles d’application pour une entrée en vigueur encore plus rapide. Toutes les organisations représentatives concernées se sont félicitées de cette annonce, même si elles attendent de connaître le détail du budget consacré à cette négociation éclair. Parce qu’il faut aller vite, et que cela doit concerner le « maximum d’infirmiers bénéficiaires », M Daniel Guillerm, président de la FNI (Fédération nationale des Infirmiers), a souhaité que la priorité soit portée à l’augmentation de l’indemnité forfaitaire de déplacement, ce qui garantirait « une distribution la plus équitable possible ». Il ne faudra pas attendre longtemps avant de connaître les décisions du gouvernement pour ces négociations éclair.
Un avenant 10 pas à la hauteur des ambitions ?
Tous ces efforts conduisaient à la signature de l’avenant 10 à la convention infirmière le 16 juin 2023. Si le texte revenait sur le déploiement du BSI (Bilan de Soins Infirmiers) et sur les incitations faites aux IDEL(s) pour se former à la pratique avancée, il officialisait une revalorisation de l’indemnité forfaitaire de déplacement de 10 %. D’un côté, l’Assurance Maladie vantait cet accord “pour apporter un soutien rapide à l’activité des professionnels de santé paramédicaux libéraux, impactée par la situation économique actuelle“.
En revanche, les IDEL(s) eux-mêmes déploraient que la seule revalorisation de l’indemnité ne pouvait pas répondre aux enjeux du moment. Ainsi, le syndicat Convergence Infirmière s’alarmait : « Les mesures qui devaient prendre en compte l’inflation sont indignes et ne compensent même pas la hausse du prix des carburants là où nous avons perdu plus de 20% de pouvoir d’achat ces dernières années»