Pour les infirmières et infirmiers libéraux ou hospitaliers, l’erreur médicale représente un véritable cauchemar, qu’ils essaient d’éviter jour et nuit. Pourtant, l’administration d’un mauvais traitement, l’erreur technique ou d’évaluation, …, existent.
Infirmiers libéraux ou infirmiers en milieu hospitalier, le risque est le même pour tous. Des cadences infernales, des médecins trop pressés, des prescriptions en urgence par téléphone mal comprises et le geste maladroit est fatal. Votre patient décède, la famille vous poursuit en justice. Bien sûr il y a une erreur humaine mais avant tout n’est-ce pas tout un système médical « malade » qui en le plus grand responsable ? C’est ce que l’on ressent à la lecture de ce fait divers. Mais cela mérite cependant un éclairage, car il ne s’agit pas de se concentrer sur la recherche du mauvais traitement mais bien sur l’ensemble des conditions, ayant conduit à cette erreur.
Les erreurs médicales, des fautes imputables aux professionnels de santé ?
Le métier d’infirmière, qu’il soit exercé à l’hôpital ou en ville, fait reposer de lourdes responsabilités sur ces professionnelles de santé. Formées en permanence, les infirmières, à l’instar de toutes les autres professions de santé, prodiguent des soins dans le but de soigner, d’apaiser la douleur, de calmer les patients. Aussi scrupuleuses soient-elles, les infirmières peuvent commettre des erreurs, voire des fautes. Si l’erreur est humaine, celle commise par un soignant peut être à l’origine de complications (pour le patient), voire de conséquences plus dramatiques encore.
Les colonnes des journaux régionaux et nationaux relatent fréquemment les récits de ces erreurs médicales, qui restent rarissimes. Cependant, pour une infirmière libérale ou hospitalière, commettre une telle erreur représente un traumatisme dépassant amplement ce simple stade de l’incompréhension et / ou de l’erreur. Quand celle-ci entraîne le décès du patient, le choc pour l’IDE se révèle insurmontable. Il ne s’agit pas de se substituer à la justice pour identifier les responsabilités de chacun, mais bien de souligner que si les infirmières et infirmiers de France sont prêts à assumer leurs actes, ils entendent aussi dénoncer des conditions d’exercice, peu favorables à la sérénité et à la sécurité.
Une IDE épuisée commet une tragique erreur d’administration de perfusion
En 2015, le procès d’une infirmière de Montauban avait ému la France entière et suscitait de vives réactions de toute la communauté des soignants. Agée de 27 ans (24 ans à l’époque des faits, qui lui étaient reprochés), une infirmière de l’hôpital de Montauban avait été condamnée à un an de prison avec sursis pour homicide involontaire.
Le cauchemar pour cette jeune IDE commenca dans la soirée du 17 juin 2012 où un patient, atteint d’un cancer pulmonaire, est hospitalisé. Il souffrait de violentes douleurs rachidiennes. Face à cette souffrance rien ne le soulageait, l’infirmière a donc appelé chez lui le médecin de garde. Il lui a prescrit, par téléphone (…), 5 mg de morphine en sous-cutanée à renouveler une demi-heure plus tard si nécessaire. Elle lui administre une ampoule de 100 mg… Le patient est mort et la famille a souhaité connaître la vérité en portant plainte contre l’infirmière mais aussi contre l’hôpital de Montauban. Le récit froid semble sans appel comme le résume la présidente du tribunal : « vous avez appelé, à 3 heures du matin, le médecin de garde chez lui. Ce dernier vous a donné sa prescription par téléphone : 5 mg de morphine en sous-cutanée à renouveler une demi-heure plus tard si nécessaire. Malheureusement, vous vous êtes trompés en lui administrant non pas 5, mais une ampoule de 100 mg de morphine. Une dose létale”
Choquée et en pleurs, la jeune infirmière ne cherche pas à contester la réalité des faits, mais elle s’explique, comme on lui demande « C’était ma troisième nuit d’affilée, j’ai confondu deux médicaments le médecin ayant d’abord parlé d’injecter 100 mg de Topalgic par voie intraveineuse. » C’est ensuite, que le médecin prescrira, par téléphone, 5 mg de morphine. Au cours de l’audience, elle présentera ses excuses à la famille du défunt.
La profession infirmière, un métier sous tension et sous pression !
Cette famille a expliqué son action en justice, non pas pour faire condamner l’infirmière mais pour connaître la vérité. C’est ce que l’avocat de la famille expliquait à la presse au moment du procès : « En raison des restrictions budgétaires qui touchent les hôpitaux publics, le médecin de garde reste à la maison et c’est la jeune infirmière qui dans la nuit doit administrer la prescription que l’on lui donne par téléphone ». Le résultat aurait-il été différent en plein jour ? Sans aucun esprit de vengeance vis-à-vis de qui que ce soit, l’avocat poursuit en expliquant plutôt que c’est le système de santé dans son ensemble qui est visé. N’est pas lui le grand responsable ?
Celui qui inflige à son personnel médical des nuits entières de garde là où, normalement, devrait être aménagé des temps de repos. Celui qui autorise, faute de moyens, des médecins de garde à domicile plutôt que des professionnels sur place.
Erreurs médicales : quand les patients et le personnel hospitalier deviennent les victimes d’un système hospitalier grippé
Cette triste affaire de Montauban ne peut que renvoyer au climat, dénoncé par tous les professionnels de santé : des médecins manquants, des infirmiers surchargés, des prescriptions parfois à la va-vite et malheureusement aussi, des erreurs. Au cours du procès, l’avocat de cette infirmière rappelait par ailleurs : « Depuis cette affaire, les prescriptions du médecin de garde sont délivrées au médecin des urgences qui doit se rendre au chevet du malade pour l’examiner et lui faire administrer l’ordonnance. Une prescription ne peut être délivrée par écrit que par un médecin, une fois qu’il a examiné, le patient. C’est la loi et l’ARS l’a relevée ». Il aura donc fallu attendre ce drame pour que les autorités publiques prennent les décisions adéquates.
Nous étions alors en 2012. 10 ans après, et après une pandémie mondiale, les conditions d’exercice des soignants en général et des infirmières et infirmiers en particulier ont-ils été significativement améliorés ? Tout est-il fait pour éviter que de telles erreurs plonge des familles dans le deuil et des professionnels de santé dans la dépression et le stress post-traumatique. Rien n’est moins sûr. En mars 2022, soit une décennie après le drame de Montauban, le Sénat ne s’alarmait-il pas de l’état du système de santé en France en expliquant : « L’hôpital est à bout de souffle. «



