La vaccination constitue, depuis longtemps, un sujet de crispation, notamment entre les promoteurs d’une société protégeant ses citoyens et ceux se déclarant ouvertement « antivax ». En 2015, le professeur Joyeux était à l’origine d’une polémique, et quelques années plus tard, la crise sanitaire du Covid-19 relançait le débat et les controverses. Recommandation après recommandation, l’administration des vaccins (grippe, Covid-19, …) suscite toujours plus de méfiance voire de défiance.
La pénurie de certains vaccins pédiatriques en France alimente la controverse lancée par le Professeur Joyeux
La demande d’autres pays touchés par des épidémies ainsi que certains changements de calendriers vaccinaux ont bouleversé la production des deux grands groupes pharmaceutiques en charge des vaccins utilisés principalement en France. Ainsi le vaccin trivalent DTP (Diphtérie-Tétanos-Polio) pour la primo-vaccination a été remplacé par des vaccins hexavalents qui, eux, sont controversés ainsi que notamment le fameux kit DT-vax + Imovax Polio proposé gratuitement en pharmacie et fortement critiqué. Entre informations et controverses, difficile se faire un point de vue !
Tout d’abord rappelons que le seul vaccin obligatoire en France est celui que l’on nomme DTP diphtérie-tétanos d’une part, et polio de l’autre. Or, depuis 2008, ce vaccin n’est plus produit en France pour des risques allergènes selon l’ANSM et surtout depuis quelques mois maintenant ce vaccin est actuellement indisponible par manque d’approvisionnement.
Les parents de jeunes enfants doivent nécessairement se tourner vers d’autres solutions vaccinales :
- Le vaccin tétravalent (contre quatre maladies), s’il inclut les trois précédentes et la coqueluche (Tétravac de Sanofi, Infanrix-Tetra de GSK) ;
- Le vaccin pentavalent (contre cinq maladies), qui protège en plus de l’haemophilus influenzae de type B (Pentavax, InfanrixQuinta) ;
- Le vaccin hexavalent (contre six maladies), qui associe également l’hépatite B (Infanrix Hexa).
De fait, par la pénurie des vaccins tétravalents et pentavalents, il est recommandé alors par les autorités sanitaires de de se tourner vers le vaccin hexavalent. Ainsi le Gouvernement a publié un nouveau calendrier vaccinal daté du 4 mars 2015 mentionnant que « en raison de difficultés durables d’approvisionnement des vaccins combinés contenant la valence coqueluche au niveau mondial, un flux tendu de vaccins pentavalents et de certains vaccins tétravalents est attendu. A ce jour, la disponibilité du vaccin hexavalent et des vaccins tétravalents à dose réduite en anatoxines diphtériques et en antigènes coquelucheux est maintenue ».
Or ces nouveaux vaccins alimentent aujourd’hui la critique, dont celle lancée, via Internet, par le Professeur Joyeux, cancérologue. Une vidéo qui a créé le buzz depuis le 19 mai 2015, date de son lacement sur la Toile, en recueillant plus de 500 000 signatures à sa pétition en une semaine et en alarmant totalement les parents de jeunes enfants sur fond de « scandale d’état », de « loi du silence »…
Bien sûr le Professeur Joyeux évoque la mise en danger volontaire des enfants en leur « infligeant » un vaccin (Infanrix Hexa de GSK) qui, selon lui, « protège contre six maladies au total au lieu de trois et qui coûte sept fois plus cher, contient des substances dangereuses voire très dangereuses, comme l’aluminium, le formaldéhyde et le mercure ».
Le ton monte, la psychose s’engage. Le débat s’envenime depuis lors entre autorités médicales scandalisées par un tel élan de désinformations dangereuses et le camp des « anti-vax » entrainant de plus en plus de suspicieux inquiets des effets secondaires provoqués par la vaccination.
La couverture vaccinale en France est en chute libre : le rôle de prévention de l’infirmier libéral
Que l’on puisse poser des idées, des doutes ou des questions sur les vaccins pourraient sembler légitimes car le vaccin, tout comme un médicament, est une substance qui, si elle protège, n’est pas sans conséquence sur l’organisme et a, comme tous les médicaments, des effets indésirables potentiels. Il semble beaucoup plus grave en revanche d’inciter des familles, des parents à refuser la primo-vaccination sous des procès d’intentions qui ne sont pas prouvés scientifiquement.
Marisol Touraine, ministre de la Santé a d’ailleurs vivement critiqué cette initiative du Professeur Joyeux sur France Télévisions : « La vaccination ne se discute pas. On ne joue pas avec des sujets aussi importants que la vaccination, on n’attise pas les craintes. Il ne faut pas avoir de doute, ce qui n’exclut pas la transparence et la recherche pour toujours améliorer la qualité de nos vaccins. La responsabilité c’est de rassurer, d’expliquer, et non pas d’inquiéter et de faire peur ». La critique fut à l’époque étayée par l’Ordre national. Ce dernier rappelait que l’acte de vacciner restait déjà une compétence propre de la profession (formation, prescription, cotation, …).
Face à ces différentes polémiques le groupe Vaccination et prévention de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) a d’ailleurs souhaité répondre aux accusations du Professeur Joyeux point par point dans un communiqué du 2 juin 2015 : « Les vaccins hexavalents sont disponibles en France depuis 2002. Il s’agit de vaccins dont l’efficacité et l’innocuité ont été largement validées par des essais cliniques et une surveillance constante. Ce type de vaccin combiné a, par exemple, permis la quasi- disparition chez l’enfant de la méningite à Haemophilus influenza de type b ».
Ainsi, il s’agit donc pour tous les corps de professionnels de santé, en particulier les infirmiers libéraux, de rappeler que si l’on doit rester vigilant après toute vaccination pour soi ou pour son enfant concernant les effets secondaires, elle ne doit jamais être prise comme une étape inutile ou pire, dangereuse. Rappelons que la vaccination de l’enfant évite des maladies infectieuses extrêmement dangereuses voire mortelles telles que la coqueluche, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, l’hépatite B, la rougeole, les oreillons, la rubéole, le BCG contre la tuberculose…
Bien que seul le fameux vaccin DTP diphtérie-tétanos-polio soit obligatoire, les épidémies récentes de rougeole dont 200 cas ont été déclarées depuis le début de l’année en France (une flambée épidémique depuis 2008 selon l’INVS, qui a causé 1 500 cas de pneumopathie grave, 34 formes neurologiques compliquées avec séquelles graves et dix morts) rappellent à tous que l’utilité première de tous ces vaccins est bien de sauver des vies.
Et aujourd’hui en 2025, les Français sont-ils réconciliés avec la vaccination ?
Le débat sur la vaccination a été profondément relancé à partir de 2020. La pandémie mondiale a conduit rapidement les autorités sanitaires d’une grande part des pays à travers le monde à rendre obligatoire une vaccination, qui effrayait les citoyens. Les peurs au sujet de la vaccination sont aussi anciennes que la vaccination elle-même.
Cependant, les conditions exceptionnelles de la crise du Covid-19 ont conduit certains, parmi lesquels des professionnels de santé et des scientifiques, à remettre en cause le principe même de la vaccination mais aussi à soulever d’innombrables questions sur les vaccins à ARN.
Plus généralement, ces débats ont relancé la défiance de la population vis-à-vis des vaccins et plus généralement de la médecine et de la science. Au quotidien, les infirmiers libéraux, les médecins et tous les autres soignants ont dû faire preuve de pédagogie pour informer, éclairer, rassurer chaque patient, en s’adaptant aux exigences spécifiques liées à certaines catégories (femme, patient âgé de moins de 6 ans, …).
Si aujourd’hui, le calendrier vaccinal officiel applicable en France a bien évolué, la remise en cause de la vaccination a, elle-aussi, progressé. Les soignants en général et les infirmiers libéraux en particulier doivent prendre en compte cette dimension tout en continuant à satisfaire aux enjeux de santé publique. Au fil du temps, la prescription et l’injection se sont imposées comme faisant pleinement partie de l’activité de l’IDEL.



