Chez les personnes âgées, la chute n’est pas un simple accident et peut – quelquefois – être anticipée. Et en tant qu’IDEL, vous êtes bien plus qu’un soignant, vous êtes aussi un vigile du quotidien, celui qui repère les détails invisibles avant qu’ils ne deviennent des pièges. Comment prévenir ces chutes et protéger vos patients seniors ? En alliant vigilance, observation et quelques gestes simples mais décisifs.
Que vous soyez aguerri ou fraîchement installé, vous le savez : en tant qu’IDEL, votre patientèle est – soyons honnêtes – majoritairement âgée. Selon une étude menée par Fiducial en 2020, près de 63% des patients suivis par des infirmiers libéraux sont des retraités. Une statistique qui pose le décor. En enfilant la cape d’infirmier libéral, vous devez faire preuve d’une grande vigilance avec n’importe quel patient, les plus âgés nécessitent de doubler voir tripler de vigilance, c’est normal. Car, chez nos seniors, fleurissent des problèmes de mémoire, des troubles de l’équilibre, de la vision ou de l’audition, voire des tensions orthostatiques, troubles cognitifs. Tant de problèmes de santé qui ont un impact direct sur leur quotidien et peuvent donc entraîner des chutes.
Les fragilités qui font chuter
Il suffit parfois d’un pas de travers, d’une lumière mal orientée, d’un tapis oublié, et tout bascule. Chez les personnes âgées, la chute n’est pas une anecdote, c’est un risque quotidien. Le problème, c’est qu’au moment où le corps s’affaiblit, le cerveau, lui, n’est pas toujours là pour compenser. Les muscles se dérobent, l’équilibre devient incertain, la vue se trouble et l’oreille n’entend plus vraiment ce qu’il faudrait entendre. Et quand la mémoire vacille, difficile d’anticiper le danger. Un patient oublie d’allumer la lumière, un autre se relève trop vite et perd connaissance à cause d’une hypotension. Le cocktail est explosif.
Dans ce décor, l’IDEL n’est pas seulement celui ou celle qui change un pansement ou distribue un traitement. Vous êtes souvent la seule personne à passer chaque jour, à jeter un coup d’œil rapide mais décisif à l’environnement. Vous savez reconnaître la chaise qui se transforme en obstacle, le sol qui se fait patinoire, le regard flou qui annonce peut-être un futur vertige. Dans bien des cas, vous êtes les premiers témoins d’une solitude pesante, d’un quotidien sans famille ni voisins attentifs.
Alors, votre vigilance dépasse la simple technique : vous devenez une sentinelle, un filet de sécurité invisible mais indispensable, celui qui empêche que le drame annoncé se produise. Bien évidemment, vous n’êtes pas Superman et en aucun cas, vous devez être rongé de culpabilité si jamais une chute arrive. Mais à votre échelle, vous pouvez éviter une possible chute avec des gestes anodins ou simplement de discuter quelques minutes avec votre patient.
L’art d’anticiper la chute
Vous n’êtes pas devin, mais vous apprenez vite à lire les signes. Chez un patient âgé, chaque détail compte. La démarche hésitante, la façon de s’arrêter pour parler, la petite main qui cherche à s’accrocher au mur. C’est dans les petits indices que l’on peut anticiper et remarquer une fragilité. Et vous, à force de visites, vous les repérez. Votre rôle, ce n’est pas seulement d’observer, mais d’agir en amont, si bien évidemment vous en avez la possibilité.
Cela peut passer par un conseil simple : retirer ce tapis qui se prend systématiquement dans les pieds, installer une lampe de chevet qui s’allume au moindre mouvement, dégager le couloir des fils électriques qui serpentent. Parfois, c’est aussi suggérer l’utilisation d’une canne, d’un déambulateur, ou orienter vers un kiné pour renforcer les appuis et retrouver un peu de confiance. La chute arrive souvent à cause de choses anodines et évitables. Bien évidemment, ces chutes ne sont pas entièrement de votre responsabilité. Mais vous pouvez, à votre échelle d’IDEL, d’éviter la catastrophe.
La prévention des chutes se joue aussi sur d’autres terrains, moins visibles mais tout aussi essentiels : les traitements. Vous savez qu’un médicament peut donner le tournis, un autre alourdir les jambes, un troisième brouiller la vigilance. Alors vous discutez, vous remontez l’info, vous ajustez le suivi avec le médecin. Et parce que la chute ne vient pas seulement des muscles, mais aussi de la tête, vous encouragez à rester actif, à bouger, à marcher, à ne pas se laisser happer par la peur. Vous rappelez aussi l’importance de bien manger, de bien boire, car un corps affaibli est une cible facile pour le sol.
En tant qu’IDEL, votre rôle n’est pas non plus de transformer les appartements en bunker anti-chute, mais de faire en sorte que chaque détail du quotidien devienne un allié. Et souvent, ce sont ces gestes-là, discrets, presque invisibles, qui empêchent une hanche de se briser et une vie de basculer.
Conclusion
L’infirmière libérale ne doit très souvent pas uniquement se contenter du rôle de soignant, mais doit également être capable d’anticiper et être prescripteur d’éventuels problèmes qui pourraient arriver. Vous jonglez entre pansement et diagnostic, en portant une vigilance constante, un brin de second degré pour garder le moral, et pas mal de soins techniques.
Face à la statistique glaçante – presque un senior sur trois de plus de 65 ans chute chaque année, avec près de 100 000 hospitalisations et 10 000 décès liés aux chutes – être IDEL n’est pas seulement un job de soin, c’est également une mission de prévention de masse. Alors, continuez à agir avec vigilance, créativité et de compassion. Car la chute ne prévient pas, certes, mais elle peut être au maximum évitée.



