L’été, c’est souvent le pic de charge pour les IDEL, mais aussi le pic de chaleur. Face aux épisodes caniculaires de plus en plus fréquents, comment protéger vos patients (et vous-même) sans finir liquéfié dans votre Kangoo ? Entre ventilation des domiciles, hydratation, adaptation de vos tournées, et prise en compte de vos propres limites, éléments de réponse.
L’été ne rime pas avec vacances et cocktail sur un transat pour tout le monde. Pour bon nombres de travailleurs, des caristes, aux ouvriers en bâtiment, en passant par les chauffeurs-livreurs ou encore les électriciens, cette période de l’année est souvent redoutée. Parmi les professions les plus exposées à la chaleur, les IDEL. Pour vous, l’été rime surtout avec le bruit de votre clim’ de voiture poussive, du bruit du ventilateur ou de la gourde et des gémissements des patients qui suffoquent sous cette forte chaleur. Autrement dit, les fortes chaleurs ne sont plus un simple sujet de conversation dans l’ascenseur avec votre voisin qui lui, le veinard, travaille dans un bureau climatisé. Ces fortes chaleurs impactent directement votre activité professionnelle, votre sécurité ainsi que celles de vos patients.
Le réchauffement climatique nous promet des épisodes caniculaires plus fréquents, plus intenses et plus longs. Cela implique de prendre ce problème à bras-le-corps, sans fatalisme mais sans légèreté, car les chiffres parlent : +2,3 % de mortalité pendant les pics de chaleur selon Santé Publique France, et ce sont principalement les patients que nous voyons tous les jours qui sont concernés (personnes âgées, patients chroniques, personnes en situation de handicap).
En tant qu’IDEL, vous êtes directement en première ligne, que vous le vouliez ou non, et la chaleur peut atteindre des niveaux difficilement supportables lors de certaine journée. À vous donc de préparer le terrain : adapter vos pratiques, anticiper, vous protéger vous-même et protéger vos patients. Mais alors que faire ? Albus vous propose un guide complet, sérieux (mais pas ennuyeux promis) pour rester frais et efficace, même lorsque la canicule s’invite dans vos soins.
Que faire avec les patients ?
Soyons clairs : la chaleur tue. Et elle tue discrètement, par déshydratation, par aggravation d’insuffisances cardiaques, par malaise. En tant qu’infirmière libérale, bien que vous ne venez pas pour faire une veillée caniculaire (et leur prendre la température) auprès de vos patients, vous devez toujours veiller à ce que votre patient ne soit pas dans le rouge et/ou dans une situation délicate.
En premier lieu, l’étape la plus facile à faire est de contrôler l’environnement domestique de votre patient. Autrement dit, veillez par exemple à ce que les fenêtres et les volets soient fermés pour les patients n’ayant pas de climatisation chez eux, c’est-à-dire la très grande majorité. Cela peut sembler basique, mais il est fréquent de trouver des patients qui laissent tout ouvert alors que le thermomètre dépasse les 30 degrés. Un petit rappel sur l’importance de garder sa pièce isolée des rayonnements solaires.
Par ailleurs, si jamais votre patient dispose d’un ventilateur, vous pouvez également vérifier si ce dernier l’utilise (correctement). Comment ? Pas de ventilateur en plein soleil, et ne jamais diriger le flux directement sur le visage pour les patients fragiles. Justement, pour les patients les plus fragiles et les plus âgés, faites-en sorte de regrouper leurs activités dans un petit périmètre pour éviter que ces derniers fassent des déplacements récurrents. Évitez également de faire des soins lourds aux heures les plus chaudes.
Lors des épisodes de fortes chaleurs, l’hydratation est non négligeable, pour ne pas dire obligatoire. Il est nécessaire d’encourager vos patients à boire régulièrement (de l’eau !), même s’ils estiment ne pas avoir soif. Pour rappel, avec l’âge, la sensation de déshydratation diminue mais cela ne veut pas dire que nous sommes correctement hydratés. Le besoin d’eau reste le même. Avec les patients les plus fragiles et qui sont récalcitrants à l’idée de boire régulièrement, vous pouvez graduer une bouteille pour ainsi suivre la consommation régulière, ou également injecter des fruits. Et pour les patients sous régimes hydriques, coordonnez-vous avec le médecin pour évaluer les marges possibles en période de canicule.
Lors de vos consultations, vous devez avoir une surveillance accrue de vos patients, des possibles signes cliniques et des risques. Il est donc possible de remarquer des signes de déshydratation comme des plis cutanés, bouche sèche ou encore de la confusion. Vous pouvez donc prendre la température de vos patients, surtout les plus fragiles, lors de fortes chaleurs et anticiper les déséquilibres électrolytiques chez les patients cardiaques ou sous diurétiques.
Pour ce qui est de votre pratique médicale, il est nécessaire d’adapter vos soins en fonction des horaires et donc privilégier (si c’est possible, bien évidemment) les passages matinaux ou tardifs pour éviter les pics de chaleur et, si possible, modifier l’ordre de votre tournée pour les patients les plus fragiles.
Justement, pour ces derniers, on vous conseille de créer un lien de vigilance avec eux : encouragez-les à vous signaler tout symptôme inhabituel, mettez en place des « rituels canicule » (ouvrir les volets le matin, boire un verre d’eau à chaque médication, signaler tout malaise) ou bien créez un petit « kit canicule » composée d’un brumisateur, d’une bouteille d’eau, d’un ventilateur et d’une serviette humide. En résumé, le rôle de l’infirmière libéral est également – lors des épisodes de canicule – de rendre vos patients autonomes dans leur protection, tout en intensifiant votre surveillance active pendant les périodes de canicule pour diminuer les risques.
Veiller à sa propre santé, la priorité
On sait, vous n’avez pas le temps, « c’est juste quelques jours » , « je tiendrai le coup. » Alors oui, vous êtes des super-héros du quotidien, c’est indéniable. Mais un super-héros n’est pas invincible est la canicule/forte chaleur est un adversaire coriace. Vous devez donc veiller à prendre soin de vous, diminuer les risques En gros, ne pas vous mettre dans le rouge. Votre santé est la priorité.
Comme pour vos patients, vous devez vous hydratez régulièrement. Pensez à emporter toujours dans votre voiture une bouteille ou une gourde d’un 1,5 L à 2 L d’eau, buvez toutes les 20-30 minutes (même lorsque vous n’avez pas particulièrement soif) et évitez les boissons diurétiques (café à haute dose, thé vert à gogo).
En ce qui concerne votre rythme de travail, il est nécessaire, dans la mesure du possible, de s’adapter à ces fortes chaleurs. Faites en sorte de pouvoir commencer plus tôt le matin pour finir avant les pics de chaleur. Veillez également à prendre des pauses, même courtes, à l’ombre ou dans un lieu frais. Pour ce qui est de l’alimentation, on va éviter les choucroutes et les tartiflettes : mangez léger et frais pour ne pas accabler votre corps (salades, fruits, repas fractionnés).
Pour le véhicule, si vous avez de la chance, vous disposez d’un véhicule climatisé. Pour les autres, la situation peut s’avérer être plus délicate : pensez donc à aérer votre véhicule avant de démarrer, ne laissez pas de matériel médical à l’intérieur, en plein soleil. Habillez-vous avec des vêtements amples, clairs et respirants.
Bien que vous preniez toutes les précautions nécessaires, les coups de chaleur peuvent tout de même se manifester. Les symptômes sont des maux de tête, une fatigue inhabituelle, des vertiges et des nausées. Si vous ressentez ces signes, arrêtez-vous, hydratez-vous, rafraîchissez-vous. Pour éviter de vous retrouver dans cette situation, il est donc indispensable de réduire la cadence. Par ailleurs, vous pouvez également vous organiser avec des collèges infirmières afin de travailler en duo ou trio pour s’épauler.
La canicule est un véritable enjeu de santé publique, et en tant qu’IDEL, vous êtes un acteur central de cette protection collective. En adaptant vos tournées, en anticipant, en veillant à votre hydratation et à celle de vos patients, en mettant en place des petites astuces et en écoutant les signaux d’alerte, vous transformez une contrainte climatique en levier de soins intelligents. Soyons clairs : on ne peut pas éviter la chaleur. Mais on peut l’apprivoiser, sans mettre en danger sa santé et celle de ses patients.



