Les infirmières et infirmiers libéraux peuvent se réjouir de cette période des fêtes de fin d’année. La trêve des confiseurs aura néanmoins permis l’adoption du décret infirmier, véritable mise en œuvre de la loi infirmière qui aura marqué cette année 2025. Retour sur les principales évolutions au bénéfice des IDEL.
2025, l’année de la loi infirmière
Il aura donc fallu attendre les derniers jours de l’année pour que soit enfin publié le décret orchestrant la mise en œuvre de la loi du 27 juin sur la profession d’infirmier. Cette loi infirmière, attendue depuis tant d’années, répondait en partie aux revendications historiques de la profession. Depuis, ces grandes avancées pour la profession peinaient à trouver une traduction concrète au quotidien. Pendant de longues semaines, les organisations représentatives s’alarmaient des difficultés à publier le décret s’y rattachant. Un grand nombre de professionnels se résignait alors à devoir attendre la nouvelle année pour connaître le dénouement de ces débats. Une attente d’autant plus difficile, qu’elle se doublait de celle liée à la signature de l’avenant 11 à la convention nationale des Infirmiers. C’est donc, in extremis, que ce très attendu décret a été publié au Journal Officiel du 26 décembre
Une redéfinition du rôle et de la place des infirmières et des infirmiers
Les grandes avancées, permises par la loi de juin dernier, trouvent donc une concrétisation pratique. Le rôle même des infirmières et infirmiers est redéfini. L’IDE ne se retrouve plus reléguée à un simple rôle d’exécutant (exécution des soins prescrits) mais se voit reconnaître une capacité d’initiative, même si cette dernière reste très encadrée. Ainsi, le décret définit cette nouvelle orientation : « L’exercice de la profession infirmière comporte l’initiation, l’analyse, la réalisation, l’organisation et l’évaluation des actes et soins infirmiers ». Cette reconnaissance du diagnostic infirmier implique pour les professionnels concernés davantage de réflexion clinique, davantage de traçabilité et de responsabilité.
Si la profession se voit donc accorder une autonomie accrue, elle devra également s’engager dans une réforme de ces modes organisationnels. Le renforcement du rôle clinique de l’IDE implique donc un renforcement de la coordination et de la documentation (Aux termes du décret, l’IDE « assure la traçabilité des soins infirmiers dans le dossier du patient ».
Cela conduit naturellement à officialiser la place de l’infirmier en tant que pilote du parcours de soins, notamment en cas d’urgence et d’absence du médecin.
La consultation infirmière enfin reconnue dans le système de santé en France
L’officialisation de la « consultation infirmière » dans la loi de juin 2025 avait réjoui tous les professionnels concernés. Avec le décret, celle-ci englobe finalement plusieurs aspects de l’activité des IDEL notamment. En effet, le texte indique, dans cette définition, des soins « à visée de dépistage, préventive, éducative, diagnostique, thérapeutique, relationnelle et palliative, en particulier dans le cadre d’une consultation infirmière ».
Il faut, ici, souligner la mention du soutien psychologique comme faisant partie du champ des soins relationnels. Cela représente une reconnaissance supplémentaire pour les infirmières libérales, qui occupent souvent une place centrale (et parfois unique) d’écoute et d’orientation tant pour les soins de ville qu’à domicile. Le décret souligne que l’infirmière ou l’infirmier doit « assurer les soins relationnels permettant d’apporter un soutien psychologique, qui s’inscrivent dans une prise en charge globale de la personne ». Le temps consacré à l’évaluation et à l’échange avec le patient devient un soin à part entière.
La prescription infirmière, un accord de principe à confirmer !
Aux termes de la loi de juin 2025, l’infirmière « prescrit les produits de santé et les examens complémentaires nécessaires à l’exercice de sa profession ». Il appartenait à la Haute Autorité de Santé (HAS) de définir la liste des produits et examens concernés. La loi prévoyait même l’obligation de mettre à jour cette liste tous les trois ans.
Le décret officialise cette prescription infirmière, tout en attendant les décrets à venir après avis de la HAS et de l’académie Nationale de médecine. Au-delà de la liste des produits de santé et des examens concernés, ces avis doivent permettre de distinguer la prescription infirmière, qui exige une coopération encadrée et structurée, de la prescription médicale. Cette distinction était au cœur des débats, ayant retardé la publication du décret.
L’accès direct, une officialisation dans l’attente de la définition du périmètre d’application
Ce fut une autre victoire actée par la loi infirmière : l’accès direct. La législation, à travers l’article R4311-4, souligne que l’infirmière peut « prendre en charge directement les patients » et « initier, accomplir et évaluer les actes et les soins qu’il estime nécessaires ». En revanche, ces derniers (actes et soins) doivent être listés dans un arrêté par le ministère de la santé.
A ce stade, l’accès direct aux infirmières et infirmiers est donc bien officialisé, même s’il faudra encore attendre les décrets d’application pour pouvoir juger du périmètre d’application.
Une entrée en vigueur rapide, soumise à l’aboutissement des négociations conventionnelles
Si la publication du décret a pris du temps, son application pourrait connaître le même sort. En effet, le texte du décret souligne une entrée en vigueur « le lendemain de la publication » et « au plus tard le 30 juin 2026 ». C’est donc ce délai de 6 mois, qui est laissé au gouvernement pour publier les décrets d’application.
Si les infirmières et infirmiers libéraux peuvent s’impatienter de la publication de ces décrets, ils attendent aussi une autre décision toute aussi essentielle : la rémunération de ces nouvelles missions (consultation, prescription, ….). Sur ce sujet de la rémunération des infirmières, la loi avait posé le principe : « La promulgation de la présente loi donne lieu à une négociation sur la rémunération des infirmiers ». Ces négociations sont déjà ouvertes depuis l’été 2025 et doivent donc permettre de traduire cet élargissement de compétences en rémunérations concrètes pour les professionnels concernés.
2026, une nouvelle ère pour les infirmières et infirmiers libéraux ?
« Formidable cadeau de Noël » pour le porte-parole du Syndicat National des professionnels infirmiers (SNPI), M Thierry Amouroux, ce décret infirmier constitue à la fois une belle surprise et une source d’inquiétudes ou au moins de questionnement. Pour la Fédération Nationale des Infirmiers (FNI), cette belle surprise « est le résultat d’années de mobilisation, de travail syndical, de négociations et de pugnacité, portés par les professionnels infirmiers et leurs représentants. ». En revanche, elle interroge car « la publication d’un décret ne suffit pas. ». Convergence Infirmière reste dans le même état d’esprit, en s’interrogeant sur les textes à venir, tout en reconnaissant que ce décret « marque une avancée attendue depuis plus de 21 ans »
Les prochaines semaines seront donc décisives, même si nous pouvons tous nous féliciter aujourd’hui des évolutions majeures qui auront jalonné toute cette année 2025.



