Les grandes avancées de la loi infirmière, adoptée en juin dernier, avaient réjoui l’ensemble de la profession. Tous savaient qu’il faudrait patienter la publication des décrets et des arrêtés pour que ces évolutions se traduisent concrètement sur le terrain. En septembre, le projet de décret a été proposé à tous les acteurs, et si il reprend bien les grandes avancées portées par la loi, il révèle également quelques points de différence.
Traduire la loi infirmière au quotidien pour tous les infirmiers libéraux ou hospitaliers !
En juin dernier, toute la profession infirmière se réjouissait après l’adoption de la loi éponyme. Cette loi du 27 juin 2025, appelée donc Loi Infirmière, officialisait certaines revendications historiques de la profession et actait une reconnaissance pleine et entière du rôle et des missions des infirmières et infirmiers de France. Saluant cette adoption comme « une reconnaissance législative majeure pour la profession infirmière », l’Ordre National des Infirmiers (ONI) soulignait cependant déjà à ce moment sa volonté de voir rapidement une entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions en espérant des textes réglementaires en vigueur avant le 31 janvier 2026.
Dans un contexte politique incertain, le projet de décret a été présenté en septembre, faisant réagir tous les acteurs concernés. Le décret traduit, dans la pratique quotidienne des IDEL(s) et des infirmières hospitalières, les dispositions de la loi. Des divergences commencent cependant à s’amplifier. Toutes les organisations représentatives de la profession ne s’accordent pas quant à l’évaluation de ce décret, certaines estimant que des dispositions prévues par la loi ont été amendées voire supprimées, quand d’autres considèrent que le résultat est à la hauteur des attentes et des espérances. Que peut-on en penser ? Albus vous aide à faire le point.
La reconnaissance de la profession, une avancée majeure (enfin) officialisée !
Pour commencer, le décret officialise la reconnaissance apportée à tous les infirmiers de France en définissant précisément leur rôle et leurs missions : “L’exercice de la profession infirmière comporte l’analyse, la réalisation, l’organisation et l’évaluation des soins infirmiers de nature préventive, curative, palliative, relationnelle ou destinés à la surveillance clinique“. Le texte complète cette énumération, en soulignant que l’infirmière libérale ou hospitalière exerce en coordination et collaboration avec les autres acteurs concernés. Il confère enfin une autre responsabilité à la profession : enregistrer, suivre et protéger la traçabilité des soins dispensés.
En juin 2025, l’adoption de la loi avait réjoui les IDEL(s) notamment en officialisant la consultation infirmière mais aussi le diagnostic infirmier. Cette officialisation s’était faite malgré les hostilités du corps médical. Le décret poursuit dans cette voie en soulignant : “Dans le cadre de son exercice, l’infirmier réalise une consultation infirmière et élabore un diagnostic infirmier“.
Enfin, une autre avancée majeure de la loi infirmière résidait dans la possibilité de prescription accordée aux IDE. Le décret mentionne bien ce droit de prescription de produits de santé et d’examens complémentaires, même s’il est précisé que la liste détaillée des produits et examens concernés sera publiée par décret.
A priori, les grands engagements inclus dans la loi votée en juin dernier sont donc bien repris dans le projet de décret. La loi était ambitieuse et globale avec de multiples propositions. (relation IDE – médecin, place accordée au patient, formation, …).
Le décret conforme aux attentes de la profession ? Des réponses divergentes
La Fédération Nationale des Infirmiers (FNI) estime que « l’ossature de la réforme n’a pas changé », et met en garde contre les attentes trop fortes d’autres associations représentatives : « En réclamant toujours plus, toujours plus vite, on prend le risque de compromettre ce qui est déjà acquis. Le danger est clair : ralentir les négociations, retarder la mise en place des avancées concrètes et alimenter un climat d’instabilité. »
Cette mise en garde est principalement émise à l’encontre du Syndicat National des professionnels infirmiers (SNPI), qui avait réagit à ce projet de décret par un communiqué de presse publié le 12 septembre dernier. Le syndicat reconnait les avancées majeures mais identifie 5 points jugés différents entre la loi et le projet de décret :
- Alors qu’il était intégré au rôle propre de l’infirmier, l’accès direct n’est pas repris par le projet de décret,
- Alors que l’infirmière devait participer à la coordination et çà l’orientation des parcours de soins, elle est réduite à une simple « coordination administrative » dans le décret,
- Définis comme mission socle pour la profession, les soins relationnels ne sont ni définis ni explicités dans le décret
- Autonome dans l’esprit de la loi, la prescription se voit limitée au domaine infirmier dans le projet de décret (une limitation floue)
- L’initiative infirmière était enfin reconnue en cas d’urgence apparu la loi, alors qu’elle est limitée à des actes encadrés par des protocoles médicaux obligatoires dans le décret.
A ces 5 différences s’ajoute, selon le syndicat, une nouvelle mesure, qui n’avait pas été envisagée par la loi de juin dernier : la délégation d’actes vers les aides-soignants. Et les relations entre IDEL(s) et aides-soignantes sont déjà tendues, alors introduire une telle délégation sans base légale constitue un risque majeur pour la profession.
L’Ordre National a lui-aussi fait part de ses inquiétudes : « L’Ordre national des infirmiers constate un décalage préoccupant entre la reconnaissance législative majeure pour la profession infirmière et la rédaction actuelle du projet de décret présenté par la Direction générale de l’Offre de soins (DGOS). »
Adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat en juin dernier, la loi infirmière fait aujourd’hui l’objet de transcriptions pour que les dispositions adoptées entrent en vigueur. Si les grandes avancées saluées par la profession sont bien incluses dans le projet de décret, d’autres dispositifs ont été corrigés. Certaines organisations demandent donc un amendement du projet de décret avant son application officielle. Une situation qui pourrait se prolonger en raison de la situation politique actuelle (l’activité technique du gouvernement et du ministre de la Santé est entravée par la crise actuelle).



