L’amour dans la relation de soins a fait l’objet de nombreuses études depuis des décennies. Il faut dire, que la relation amoureuse entre une infirmière et son patient représente une réalité, à laquelle de nombreuses professionnelles ont déjà été confrontées. Si l’amour est insondable, la psychanalyse s’efforce depuis longtemps de le comprendre. Transfert et syndrome de Nightingale sont souvent avancés pour expliquer la relation amoureuse IDEL – patient. Mais c’est avant tout une question personnelle, bien que l’infirmière se doive aussi de se conformer aux exigences qui lui sont faites.
La relation de soin, une situation équivoque pour les patients ….
La relation de soins unit l’infirmière ou l’infirmier libéral – il en va de même pour leur consœur hospitalière – et son (sa) patient(e). Chaque situation est unique et spécifique, mais quand même. En se déplaçant au domicile de ses patients ou en les recevant à son cabinet, l’infirmière libérale prodigue des soins mais fait également preuve d’empathie, d’écoute. Parfois, elle représente le principal contact que le patient peut avoir avec l’extérieur. Soignante, l’infirmière libérale reste perçue comme une « aidante » par le patient, d’autant plus lorsqu’elle rend des services supplémentaires.
Non seulement, l’infirmière libérale pénètre l’intimité du patient (en le visitant à domicile notamment), mais une autre intimité apparaît au cours de cette relation de soins, intimité pouvant conduire au contact physique. Dans ces conditions, la (ou le) patient peut éprouver davantage que de la gratitude pour son infirmière ou son infirmier et tomber amoureux. D’autant plus que certains patients peuvent être dans des situations complexes, les conduisant à surinterpréter ces attentions de l’IDEL.
L’amour, que peut porter un patient à son infirmière, constitue donc une réalité, qui n’est pas aussi exceptionnelle qu’on voudrait le penser. La littérature scientifique fourmille d’études renvoyant cette relation amoureuse infirmière / patient aux principes psychologiques, expliqués par Sigmund Freud en personne. L’infirmière ne s’apparente-t-elle pas à une figure parentale, envers laquelle le patient nourrit naturellement un amour inconditionnel ? Ce transfert, faisant rejaillir le complexe d’Œdipe,
… et un risque (déontologique) pour les infirmières ?
Si les patient(e)s peuvent donc tomber amoureux de leur IDEL, l’infirmière peut elle aussi sentir grandir un sentiment équivoque au contact de sa patientèle. Les mêmes conditions (relation de soins incluant proximité, découverte de l’autre, intimité, contact corporel, …) peuvent en effet conduire aux mêmes effets. En revanche, l’infirmier ou l’infirmière est pleinement informé de cette éventualité et des risques, qu’elle peut faire émerger.
Cela renvoie aussi à la notion de contre-transfert, également mise en avant par le célèbre neurologue autrichien, fondateur de la psychanalyse. Ainsi, l’infirmière (et plus généralement le soignant) ne peut pas être indifférent au transfert de son patient et doit donc y réagir et s’y adapter.
Dans Transfert et contretransfert dans l’accompagnement vers les soins, Jacob Benarosch explique précisément cette relation de soins :
- Transfert et contre-transfert vont toujours de pair ; l’un ne va pas sans l’autre. Ils sont indissociables. La relation thérapeute / patient induit des résonnances passées, inconscientes chez les deux partenaires.
- Le syndrome Nightingale (en référence à Florence Nightingale, pionnière des soins infirmiers modernes) englobe toutes ces situations, dans lesquelles une infirmière peut tomber amoureuse de son patient.
La relation de soins, une relation humaine avant tout
Homme ou femme, patient ou infirmier, chaque individu va-t-il naturellement et immédiatement penser à ces notions de transfert / contre – transfert, au complexe d’Œdipe, dès lors qu’il se sent troublé et attiré par l’autre ? La réponse négative s’impose. Pour le patient, il sera, dans la grande majorité des cas, éconduit par sa soignante, et les conséquences se cantonneront à une déception amoureuse voire à un mal-être. Pour l’infirmier ou l’infirmière libérale, les conséquences peuvent être plus importantes et ne se limitent plus au sentiment de déception amoureuse.
Pour commencer, l’infirmière, professionnelle de santé par sa formation, est pleinement consciente de l’éventuel état de faiblesse de sa patientèle, que cette faiblesse soit liée à ses problèmes de santé ou à sa situation personnelle (deuil, isolement, divorce, …). Aussi, la déontologie infirmière et plus généralement la déontologie médicale interdit toutes relations amicales, amoureuses et à fortiori toutes relations sexuelles entre un soignant (en l’occurrence une IDEL) et un(e) patient(e). Les infirmières, à l’instar de tous les autres professionnels de santé, doivent respecter les règles éthiques et déontologiques. En définissant la relation thérapeutique comme une relation basée sur le respect, la confiance, la probité et la confidentialité, l’autorité publique souhaite avant tout protéger les patients (c’est une priorité éthique pour les infirmières) tout en limitant les conflits d’intérêt (une infirmière amoureuse privilégierait-elle toujours la qualité des soins au détriment de ses sentiments personnels ?).
Informées et formées à ces problématiques liées à la relation soignant / patient, les infirmières libérales doivent donc, avant tout, se conformer à ces règles sous peine de sanctions disciplinaires et / ou pénales. Pour s’en prémunir, l’IDE adoptera une attitude sans équivoque, et si le soignant éprouve des difficultés à apaiser la passion amoureuse de son patient ou s’il se sent « affecté « par cette relation, il pourra mettre en avant cette réalité pour initier une interruption de soins.
La jurisprudence a complété les grands principes déontologies et éthiques de la profession et continuera de le faire. Ainsi, est-il désormais admis aujourd’hui, que la relation entre une IDEL et son patient ne se termine pas automatiquement à la fin de la relation thérapeutique. Les effets du transfert (sur le patient) ne disparaissent pas au moment où l’infirmière libérale cesse de prodiguer ses soins, et l’ »emprise » de l’aidante peut perdurer plusieurs semaines voire plusieurs mois. Il convient donc pour l’infirmier libéral d’agir en respect des principes déontologiques de la profession.



