Arnaud Gibaru est IDEL depuis presque 20 ans. Avec 19 ans à son compteur d’infirmier libéral, il a un parcours riche en rencontres et en apprentissages. Dans sa pratique, il valorise l’autonomie et la proximité avec ses patients. Il est convaincu que cette liberté est propice à l’épanouissement personnel et professionnel. Mais Arnaud est aussi un entrepreneur dans l’âme, et son parcours l’a mené bien au-delà des soins. Á son palmarès, la création de deux crèches spécialisées dans l’accueil d’enfants en situation de handicap. Aujourd’hui, il nous raconte cette expérience singulière et ce qu’elle lui a appris, notamment sur les défis et les richesses de la direction d’établissement.
Comment en êtes-vous arrivé à créer une crèche pour jeunes enfants en situation de handicap ?
C’est une aventure qui remonte à il y a environ dix ans, en 2014. J’avais déjà pas mal d’expérience en tant qu’infirmier libéral, et j’avais toujours eu un petit côté “entrepreneur”. L’idée de créer une crèche spécialisée m’est venue à la fois de mon parcours professionnel et de mon vécu personnel. En tant qu’oncle d’une petite fille atteinte du syndrome de Rett – un trouble neurologique génétique rare qui touche surtout les filles et affecte le développement – j’ai réalisé combien il pouvait être difficile pour les parents d’enfants handicapés de trouver des solutions adaptées à leurs besoins, et j’ai voulu les aider. Leur courage au quotidien m’a inspiré.
En lançant cette crèche, je voulais offrir un espace d’accueil aux enfants avec handicap. Une sorte d’exemple de ce qu’on peut faire et qui répondrait non seulement aux besoins des familles mais aussi à un manque dans la région. J’ai créé la crèche avec cette idée en tête, et j’ai mis à profit mes compétences d’infirmier pour proposer une prise en charge de qualité.
Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le syndrome de Rett ?
Bien sûr. Les enfants atteints de ce syndrome connaissent une période de développement normal pendant leurs premiers mois de vie. Progressivement, ils perdent l’usage de leurs mains et commencent à montrer des troubles moteurs et cognitifs. Cela peut aussi s’accompagner de crises d’épilepsie, de troubles respiratoires, et d’une difficulté à communiquer. En tant qu’oncle, j’ai vu de près les défis que cela représente. Cela a renforcé mon envie d’entreprendre ce projet et de créer un lieu d’accueil et d’accompagnement adapté pour les enfants porteurs de handicaps variés.
Comment s’est concrètement passée la création de ces établissements ?
Ça a été une grande aventure ! La première crèche a vu le jour en 2014. Dès le début, j’ai eu la chance de bénéficier de beaucoup de soutien de la part de la communauté locale. Mon objectif, c’était de combiner mes compétences en soins avec la gestion administrative et financière de la crèche. J’ai recruté une équipe de onze personnes, dont une éducatrice de jeunes enfants référente. On s’occupait d’une vingtaine d’enfants, des petits de deux mois et demi à six ans, en situation de handicap physique ou mental. Rapidement, on a été sollicités par une commune voisine. Elle nous a proposé de prendre à sa charge la rénovation d’un bâtiment pour ouvrir un deuxième établissement. En 2016, la deuxième crèche a donc ouvert, et on accueillait au total une quarantaine d’enfants sur les deux sites, de 7h à 18h30.
Comment avez-vous réussi à gagner la confiance des familles dès le début ?
Mon expérience d’infirmier a joué un rôle important, même essentiel je pense. Dans ma région, les gens me connaissaient déjà en tant que soignant, et ils savaient que j’étais là pour le bien-être des enfants. Mon parcours de soignant m’a aussi permis de mieux comprendre le quotidien des parents d’enfants handicapés, leurs angoisses et leurs besoins spécifiques. J’ai rapidement établi un climat de confiance, et les familles se sont senties en sécurité.
Quelles étaient vos principales responsabilités en tant que directeur ?
J’étais très impliqué dans la partie administrative et financière de la crèche, et je servais aussi de référent pour toutes les questions de santé. Bien sûr, j’avais une équipe formidable pour m’épauler au quotidien (11 salariés en tout). Toutefois, j’étais là pour superviser les protocoles de soins, d’admission, d’hygiène, et pour m’assurer que les lieux respectaient les normes de sécurité. Tous les trois mois, on organisait des réunions d’équipe pour faire le point et ajuster les pratiques et les protocoles de soins si nécessaire.
Côté administratif, c’était une autre paire de manches. J’ai appris à gérer les relations avec le conseil départemental, la protection infantile et la CAF. On a d’ailleurs été la première crèche privée de la région à recevoir le financement PPI (Prestation de Projet d’Investissement) de la CAF. Cela nous a permis de pérenniser l’accueil de ces enfants dans de bonnes conditions et de rassurer les parents en situation financière délicate.
Quels ont été pour vous les aspects les plus gratifiants de cette expérience ?
Il y en a beaucoup ! Intégrer des enfants en situation de handicap dans un environnement où ils se sentent bien, où ils peuvent évoluer et tisser des liens, c’est très enrichissant. C’était une aventure humaine unique, et voir la reconnaissance des familles était une grande récompense. Pour une crèche, nous étions aussi assez innovants, car en 2014, les crèches privées n’étaient pas encore très développées. Pouvoir offrir un accueil spécialisé pour des enfants en situation de handicap, c’était un besoin auquel on a répondu de manière inédite, et j’en suis fier.
Et les difficultés, quelles étaient-elles ?
Sans surprise, la gestion des ressources humaines a été un défi. La direction d’une crèche implique de gérer une équipe avec une approche participative, et cela demande beaucoup d’écoute et de patience. J’ai dû apprendre à déléguer et à faire confiance aux bonnes personnes, ce qui n’est pas toujours évident. Avec le temps, la charge de travail est devenue trop lourde, surtout en plus de mon activité d’infirmier libéral. En 2020, au moment de la crise du Covid, j’ai finalement décidé de vendre les établissements, même si je garde un lien avec la direction actuelle. On se contacte régulièrement pour prendre des nouvelles ou pour des conseils, et j’apprécie de voir que les deux crèches continuent d’accueillir ces enfants qui en ont tellement besoin.
En quoi cette expérience a-t-elle changé votre regard sur votre profession d’infirmier libéral ?
Cette aventure m’a conforté dans l’idée qu’en tant qu’infirmier, on n’est pas seulement un “exécutant” du soin. On peut être des entrepreneurs, des créateurs, et contribuer à notre communauté de mille manières. Mon expérience m’a montré que nous avons un rôle à jouer bien au-delà des soins directs. Ça peut être en lien avec des projets pour les enfants, les personnes âgées, ou même dans des domaines comme l’addiction ou la prévention.
Un dernier mot pour vos confrères IDEL qui hésiteraient à se lancer dans un projet entrepreneurial ?
Osez ! Si j’ai appris quelque chose, c’est que l’expérience est notre plus grand atout. On acquiert au fil des années une expertise qui peut s’appliquer à tellement de domaines. On n’est pas limités à notre métier tel qu’on l’entend classiquement. Utilisez vos compétences, trouvez votre propre ancrage, explorez d’autres voies. Il ne faut jamais se dire qu’on n’en est pas capable.
Arnaud Gibaru, IDEL depuis toujours, incarne parfaitement cet esprit d’entrepreneuriat au service du soin. Son parcours est un rappel inspirant pour les infirmiers libéraux : avec de la motivation et de l’audace, notre expérience peut nous mener bien plus loin que ce qu’on imagine.
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