Alors que la pénurie d’infirmières est constatée aussi bien en ville qu’à l’hôpital, la généralisation de cette dernière à la quasi-totalité des pays pose bien d’autres problèmes.
Devenir infirmière libérale ou hospitalière, une carrière de plus en plus internationale
Si la crise sanitaire, que la France et tous les autres pays du monde, traverse depuis plus de deux ans, a pu permettre de souligner les dysfonctionnements d’un système de santé arrivé en bout de souffle, elle a également pointé un constat partagé par la quasi-totalité des pays : la pénurie de personnel soignant. Qu’il s’agisse d’infirmières libérales, de masseurs-kinésithérapeutes hospitaliers ou encore de sages-femmes, cette pénurie se fait ressentir différemment selon les pays d’une part et selon les spécialités d’autre part. La crise des hôpitaux français, et la réduction des efforts dévolus aux services d’urgence notamment, ou encore l’intensification de la problématique de la désertification médicale en sont les deux exemples les plus parlants et les plus visibles.
La profession infirmière est doublement touchée. Non seulement, la pénurie d’infirmières hospitalières est officiellement reconnue comme un problème majeur à court terme, mais le manque d’infirmières libérales sur certains territoires contraint les autorités publiques à revoir en profondeur leurs ambitions. En effet, on ambitionnait de libérer du temps médical (avec l’objectif de lutter contre ces déserts médicaux) en reconnaissant une place plus importante aux infirmières libérales, ou en espérant une arrivée plus massive des nouvelles infirmières en pratique avancée. Certes, les autorités publiques ont déjà pris des mesures, en augmentant de façon significative la capacité d’accueil des Instituts de Formation en Soins Infirmiers (IFSI), mesures qui ne produiront des effets que dans 2 ou 3 ans. Et pourtant, le besoin en personnel infirmier est non seulement actuel mais il en devient urgent. Et la problématique réside que cette pénurie d’infirmières et d’infirmiers ne représente pas un problème franco-français. Ainsi à l’occasion de la Journée Internationale des Infirmières, le Conseil International des Infirmières dressait un constat glaçant :
Par son ampleur, la pénurie mondiale d’infirmières est l’une des plus grandes menaces pour la santé dans le monde. Mais les gouvernements ne lui accordent pas l’attention qu’elle mérite
Car si le manque d’infirmières se fait ressentir dans une grande partie des pays du monde, le recrutement de ces professionnels de santé dépasse désormais les frontières, ce qui n’est pas sans poser des problèmes notamment en France.
Obtenir un diplôme d’infirmière pour partir étudier à l’étranger
Alors même que la nouvelle ministre de la Santé a annoncé, que les étudiantes infirmières pourraient exercer dès l’obtention de leur diplôme afin de pallier au manque criant de soignants dans les hôpitaux, certains observateurs s’alarment d’une concurrence d’autres pays européens. Dans la région du Grand Est, c’est le Luxembourg, qui attire les jeunes diplômées françaises avec une rémunération plus importante et des conditions de travail bien plus avantageuses. Vice-présidente de l’Ordre National des Infirmiers (ONI), Mme Véronique Pechey, évoque concernant ces territoires d’une « région sinistrée ». Bien qu’elle explique, qu’en moyenne 5 jeunes diplômées (sur 85) partent exercer au Grand-Duché, elle met en garde en prévenant qu’aujourd’hui, « « pratiquement tous les étudiants en parlent et ils sont tous en train de dire ‘nous n’exercerons pas en France’« . Au Canada, ce sont environ 800 infirmières et infirmiers avec un diplôme étranger, qui s’inscrivent chaque année auprès de l’ordre, et plus de la moitié concerne les Françaises. Si la situation irrite certains observateurs, les conséquences s’enchainent en cascade. Ainsi, alors que la Belgique a vu le nombre d’infirmières avec un diplôme étranger doubler en une quinzaine d’années, la crise sanitaire du Covid a conduit à élargir les pays de recrutement. Le Liban, qui traverse une crise sans précédent, a donc été particulièrement ciblé par la Belgique mais aussi par d’autres pays occidentaux. Une situation catastrophique, puisque selon l’Organisation Mondiale de la Santé, le pays aurait déjà « perdu » un tiers de ses infirmières et infirmiers avant de rappeler : « Au Liban, l’exode d’infirmiers coûte des vies » . Comme quoi le recrutement d’infirmières et d’infirmiers soulève bien des questions, auxquelles il devient urgent de répondre.
Et vous, avez-vous conscience de ces tensions pouvant exister d’un pays à l’autre ? Selon vous, faut-il réglementer ces recrutements d’infirmières avec un diplôme étranger ? Comment concilier cette question éthique avec le besoin criant de soignants ?