
La grande « loi infirmière » attendue depuis si longtemps par les professionnels a enfin été votée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale ? La reconnaissance pleine et entière de la profession est-elle d’ores et déjà acquise ?
La loi infirmière a été votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale. L’unanimité autour de la reconnaissance d’une profession avec la définition de nouvelles missions et l’attribution de nouvelles compétences. Cette unanimité répond aux revendications des infirmières et infirmiers libéraux et hospitaliers. Elle a pu également nourrir certaines critiques. Il faut donc que le processus législatif soit conduit à son terme dans les meilleurs délais.
L’unanimité pour la reconnaissance de la profession infirmière
Cela fait des années, que les syndicats représentatifs des infirmières et des infirmiers et l’Ordre professionnel attendaient une reconnaissance officielle de la profession. Les revendications et les attentes des infirmiers libéraux et hospitaliers sont connues depuis longtemps, et les autorités publiques s’étaient engagées à y répondre. Les aléas de la vie politique et l’émergence de sujets à résoudre en priorité ont, depuis des mois, retardé l’étude de ces problématiques, qui mobilisent la quasi-totalité de la profession. Cette attente est désormais terminée, puisque dans la nuit du lundi au mardi 11 mars, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité (142 pour et 0 contre) la proposition de loi transpartisane, portée par la députée Nicole Dubré – Chirat (Ensemble pour la République). Dans sa présentation, cette dernière a souligné avec force : « Nous allons répondre à l’enjeu de la reconnaissance de la profession infirmière.
Depuis la crise du Covid-19, les infirmières et les infirmiers soulignaient le manque de reconnaissance, dont ils se sentaient victimes, alors qu’on leur avait tant demandé pendant toute la durée de la pandémie. Ces « héros du 20h00 » demandaient depuis à ce que leur place et leur rôle soit officiellement reconnu, et que leur profession soit pleinement reconnue par les autorités publiques, les patients et les autres acteurs du système de santé. La loi, présentée par l’ancien ministre de la Santé Frédéric Valletoux (Horizons) entend apporter des réponses concrètes à l’ensemble de ces sujets.
Une profession Infirmière repensée pour répondre aux enjeux d’aujourd’hui et de demain
Frédéric Valletoux a ainsi pu s’adresser à la représentation nationale en appelant les députés à : « Il est temps de faire confiance à ces professionnels de santé et de leur dire haut et fort qu’ils sont essentiels dans la prise en charge des Français ». Pour répondre à cette ambition, la proposition de loi propose de redéfinir la profession d’infirmier à travers 5 missions socles :
- Les soins infirmiers “curatifs, palliatifs, relationnels et destinés à la surveillance clinique“,
- Le suivi du parcours de santé du patient et leur « orientation »
- La prévention, qui doit inclure dépistage et éducation thérapeutique
- La participation à la formation des pairs,
- La recherche.
L’étude des amendements ont permis d’ajouter à ces 5 missions socles la conciliation médicamenteuse ainsi que les soins relationnels. Pour les auteurs de la proposition de loi, il était important de reconnaitre la réalité de la profession infirmière telle qu’elle est exercée aujourd’hui. Aussi, le texte s’appuie sur les tâches, qui sont déléguées aux infirmières et infirmiers depuis des années (vaccination, certificat de décès, …) et il introduit la « consultation infirmière et le diagnostic infirmier », deux notions jusque-là exclusivement réservées au corps médical. De même, l’autorisation de prescription est officiellement posée avec une liste des produits concernés à venir par décret.
Quel avenir pour cette loi infirmière ?
Aux termes du vote, qui a donc permis à la totalité des députés présents de soutenir la nouvelle loi infirmière, le ministre de la santé, Yannick Neuder a fait entendre que le texte soit définitivement adopté pour pouvoir entamer les « les négociations conventionnelles à partir de septembre ». Dans le communiqué de presse du 11 mars, l’Ordre National des infirmiers se félicite de cette avancée historique pour la profession et demande que la suite aille vite : « L’Ordre National des Infirmiers réaffirme sa volonté de voir cette loi s’appliquer pleinement et anticipe déjà les textes réglementaires qu’il souhaite voir entrer en vigueur d’ici le 31 janvier 2026. »
L’unanimité de ce 11 mars va-t-elle perdurer et permettre cette relative rapidité d’action. On a déjà entendu quelques critiques contre ce texte, et nul doute qu’elles se multiplieront d’ici l’adoption définitive. Ainsi, le député Cyrille Isaac – Sibille a souhaité substituer le terme d’ »expertise infirmière » à celui de « diagnostic infirmier » en expliquant : » Nommer une pathologie relève de l’exercice médical ». La proposition a été rejeté, les défendeurs du texte insistant sur la nécessité de renforcer la complémentarité, la coopération sans pour autant participer aux oppositions stériles qui ont pu exister, par le passé. Ainsi l’expérimentation (dans 5 départements) de l’accès direct aux infirmières a fait d’ores et déjà réagir le corps médical ? La présidente du Syndicat des médecins Libéraux (SML), Dr Sophie Bauer s’est ainsi interrogé : « Il ne faudrait pas que ces consultations infirmières deviennent un prétexte pour que les patients ne voient plus leur médecin traitant car cela créerait une médecine à deux vitesses ».
On comprend donc aisément l’empressement des autorités publiques à conduire le texte jusqu’au terme du processus législatif dans les meilleurs délais. Les corporatismes des professions ne doivent pas constituer un obstacle à cette avancée historique pour la profession.