Les infirmières libérales et hospitalières se sont enthousiasmées, il y a quelques années, avec la reconnaissance de la pratique avancée pour la profession. Aujourd’hui, la Cour des Comptes, tout en rappelant l’importance de cette décision, ne peut que constater d’un échec dans sa concrétisation. Pourquoi ?
La pratique avancée pour les infirmières et infirmiers, une stratégie assumée et affichée
Dans son rapport « Les infirmiers en pratique avancée (IPA), une évolution nécessaire, des freins puissants à lever » publié le 5 juillet dernier, la Cour des Comptes se révèle assez sévère quant à l’efficacité du déploiement de la pratique avancée pour les infirmières et infirmiers. Elle s’appuie notamment sur les ambitions affichées du gouvernement depuis la reconnaissance de la pratique avancée (notamment depuis la loi du 26 janvier 2016). Non seulement, cela répondait à une demande ancienne des infirmières libérales et hospitalières, devant ainsi contribuer à une meilleure reconnaissance de leur rôle. Pour le gouvernement, la volonté de voir cette décision porter ses fruits est d’autant plus grande, que la pratique avancée est appelée à être déployée pour bien d’autres professions de santé.
Mais la pratique avancée pour les infirmières libérales comme pour leurs consœurs hospitalières devait également participer à renforcer la stratégie prioritaire en matière de santé publique : lutter contre la désertification médicale en proposant des solutions pertinentes pour pallier le manque de médecins généralistes notamment. Les infirmières en pratique avancée libérales (IPAL) devaient ainsi contribuer à la prise en charge des patients souffrants de maladie chronique, et cette stratégie répondait en outre à la délicate question du vieillissement de la population.
Si les hauts magistrats soulignent la cohérence et la pertinence d’une telle décision, ils soulignent que les souhaits du gouvernement étaient résolument ambitieux avec la volonté de 3.000 professionnelles « formées ou en formation à la fin de l’année 2022 ». A l’origine, le gouvernement espérait ainsi voir entre 6 et 18.000 infirmiers de pratique avancée sur l’ensemble du territoire. Et les résultats réels sont loin, très loin de satisfaire à ces ambitions originelles.
Les médecins, le principal obstacle au déploiement de la pratique avancée ?
C’est ce que notent les hauts magistrats en se désolant : « Or, en 2021, seuls 581 IPA étaient diplômés et 1 366 en formation ; 131 exerçaient en ville. ». Faut-il y voir un désintérêt des infirmières et des infirmiers, qui ne peuvent s’engager dans la voie de la formation qu’après avoir acquis suffisamment d’expérience ? Pour les magistrats de la Cour des Comptes, les infirmières sont demandeuses de compétences élargies, et les 5 mentions accessibles aujourd’hui pour la pratique avancée peuvent répondre aux besoins de la société même si certaines professionnelles demandent à ce que « leur spécialité soit reconnue comme relevant d’un exercice avancé (anesthésie-réanimation, puériculture, gérontologie, etc.),(… ) ». Pour la Cour des comptes, une telle demande ne doit pas être suivie, sous peine d’atténuer la spécificité de cette pratique avancée au sein de la profession infirmière. En revanche, le rapport pointe 4 freins incontestables :
- « Les réticences des médecins constituent le premier et le plus fondamental d’entre eux. » Les infirmières libérales en pratique avancée ne se verraient ainsi pas adresser les patients concernés par les médecins de ville
- Le second frein est plus financier, avec un modèle économique qui « ne permet pas aux IPA de vivre de leur activité »
- La formation est quant à elle un obstacle, puisque non seulement elle est coûteuse mais exige des « sacrifices » de la part des professionnelles concernées,
- L’existence d’autres professionnels de santé, avec lesquels les médecins sont déjà habitués à collaborer et la Cour des Comptes cite ainsi les « assistants médicaux, des infirmiers Asalée, … »
Certes, la Cour des Comptes souligne que des efforts ont été faits par les autorités publiques, afin de répondre à ces difficultés de mise en place. Mais elle insiste pour amplifier ces efforts, faute de quoi la pratique avancée pourrait vite devenir une contrainte pour une profession, qui attend également une vaste réforme promise par le ministère de la santé.
Avez-vous pensé à vous engager dans une formation en pratique avancée ? Estimez-vous que les décisions prises ces dernières semaines pourraient vous inciter à l’envisager ? Selon vous, quelle serait la décision prioritaire à prendre pour augmenter le nombre d’infirmière libérales en pratique avancée ?